Clermont-Ferrand - Ciné Capitole - du 10 au 17 novembre 2023
Clermont-Ferrand - Ciné Capitole - du 10 au 17 novembre 2023
Fort de ses 28 années de célébration d'un cinéma hors norme et décalé, L’Étrange Festival Paris se décline désormais depuis cinq ans à Clermont-Ferrand. Véritable cabinet de curiosités filmiques, L’Étrange Festival Paris n’a jamais cessé de révéler au plus grand nombre des cinéastes devenus emblématiques : les frères Quay, Alex de la Iglesia, Jaume Balaguero, Alex van Warmerdam...
Sur les traces de ce glorieux aîné, La Boîte Noire, association clermontoise, emprunte une voie similaire, portant la bonne parole au milieu des volcans, celle d'un cinéma toujours singulier et surprenant.
Pour sa cinquième édition les objets cinématographiques non identifiés de L’Étrange Festival Clermont-Ferrand reviennent se poser au Ciné Capitole du vendredi 11 au jeudi 17 novembre 2022. L’occasion pour le public clermontois de découvrir ou redécouvrir des films atypiques, dérangeants, parfois drôles et merveilleux, toujours mauvais genres.
Cette année l’accent a été mis sur des œuvres européennes des plus diversifiées où la violence le dispute à la poésie, mais une place de choix a aussi été réservée aux réalisateurs, puisqu’ils sont cinq cette année à venir nous présenter leurs films, notamment une soirée consacrée à Fabrice du Welz dont la cinématographie est chère à l’association. Une soirée sera également dévolue au Maître de Providence, Howard Phillips Lovecraft, avec la projection de deux adaptations de ses écrits.
Sept avant-premières et autant de films rétrospectifs sont ainsi proposés cette année aux spectateurs, incluant des inédits récents et accompagnés de deux courts-métrages. Sans oublier le Jeune public auquel une séance est consacrée dans le but de le sensibiliser à un cinéma qui sort des sentiers battus.
Un automobiliste noir poursuivi par une présence maléfique tombe en panne à proximité d’un garage tenu par un couple raciste et libidineux. Les forces en jeu vont se déchaîner pour les plonger dans un maelström de sexe et de sang.
Cambouis est une farce tragique, un conte noir et jubilatoire qui s’amuse sans complexes avec des codes éculés. Le film puise ses racines chez Vuillemin, Reiser ou Topor, ces francs-tireurs à l’humour salvateur. Un humour noir et sans but si ce n’est celui de rire de tout, en particulier de notre condition.
Ceux d’entre nous qui connaissent le travail de Marc Brunier-Mestas et celui de Gregory Robin ne seront pas surpris de les voir réunis dans notre programme tant leur place au sein de l’Etrange Festival paraît naturelle.
Marc est un graveur aguerri dont la technique incisive et brute donne une force à l’image. Ses gravures sont frontales, ses compositions abouties. Il joue de l’équilibre des pleins et des vides, des déformations de perspective, du contraste entre les noirs et les blancs combinant le tout pour créer une énergie qui lui est propre.
Gregory, lui, manifeste très tôt une sensibilité visuelle originale. Son esthétique très personnelle s’exprime à travers une filmographie majoritairement composée de documentaires de création et d’histoires originales. Son intérêt à manipuler les genres le pousse à explorer leur transversalité, conférant au réel un style parfois proche de la fiction.
Ils se sont résolus à s’acoquiner pour nous pondre une histoire et perpétuer par là-même un esprit de liberté d’expression qui, insidieusement, semble parfois disparaître de notre horizon.
Il est écrit dans le Grand Livre Sacré des Oursons que celui qui tuera la dernière Licorne se verra offrir la beauté éternelle. C’est ce que croient deux frères Oursons, Célestin et Dodu, engagés dans l’armée en guerre contre les licornes. Le commandement militaire les envoie, avec une unité inexpérimentée, pour une mission commando dans la forêt Magique afin de préparer la bataille finale.
Déployant son intrigue à un rythme échevelé, ce violent anti conte de fées à l’esthétique faussement enfantine démonte les ressorts du pouvoir, de la manipulation et du fanatisme. À travers les personnages antagonistes de deux frères, lointains cousins de Caïn et d’Abel, le réalisateur déploie une histoire profondément humaine et universelle, entre féerie et cauchemar apocalyptique, jusqu’à une fin surprenante et vertigineuse. Porté par une somptueuse direction artistique, ce film inaugure notre festival avec panache.
Le plat pays a toujours été à l’origine d’œuvres et d’auteurs singuliers que les spectateurs ont accueilli avec grand intérêt. Fabrice du Welz ne fait pas exception, nous en voulons pour preuve d’avoir déjà projeté en avant-première ses deux derniers films lors de nos précédentes éditions. Cet auteur n’a eu de cesse de nous proposer des métrages sensibles et sensoriels où l’humain se confronte à des frontières inattendues, se délitant progressivement au profit d’ambiances cauchemardesques et tendues où la poésie, l’onirisme et l’aspect pictural des images prennent une place primordiale. C’est donc avec un immense plaisir que nous le recevons cette année pour une soirée où il présentera au public clermontois ses deux premiers films, Calvaire et Vinyan.
Sur le retour d’un gala en EHPAD, Marc Stevens, chanteur de charme, tombe en panne en pleine forêt des Cévennes. Le temps de faire réparer son fourgon il trouve refuge dans l’auberge défraîchie de Monsieur Bartel, veuf inconsolable. Et un peu psychotique aussi !De l’instant où ce dernier voit en Stevens sa chère épouse décédée, Gloria, il va falloir au chanteur plus que son charme et son joli filet de voix pour se sortir du piège que son hôte, ainsi que la forêt entière et ses occupants, referment sur lui progressivement…
Premier film de la trilogie ardennaise du réalisateur, Calvaire est un véritable survival en milieu rural, où la beauté des images se cogne à la folie des personnages pour finalement s’abandonner à la brume de la forêt et nous proposer de surprenantes fulgurances, aussi poétiques que violentes et surréalistes.
En décembre 2005 la Thaïlande voit ses côtes ravagées par le tsunami. Six mois plus tard Jeanne Bellmer n’a toujours pas accepté la disparition, lors de ce drame, de Joshua, son fils adoré. Convaincue d’avoir aperçu celui-ci à l’occasion d’un reportage télé sur l’évènement, elle impose à Paul, son mari, de retourner sur place pour tenter de le retrouver. Dès lors, leur couple va voyager à travers un véritable enfer vert et voir se disloquer, au gré de leur enquête, leur lien mais aussi leur santé mentale.
Œuvre hallucinatoire sur le deuil et l’obsession, Vinyan est aussi un film à la photographie incroyable, porté par une mise en scène fiévreuse qui met autant à l’épreuve ses protagonistes que son spectateur. Immersif et troublant, violent sans se départir jamais d’humanité, sa radicalité emporte tout sur son passage pour nous laisser suffoquant et incrédule face à cette si belle et terrassante perle noire.
Un garçon à la recherche de son père disparu se rend en Allemagne et découvre un héritage obsédant lié à une météorite qui s’est écrasée sur terre. Tombée près d’un petit village, elle a provoqué une étrange mutation transformant d’abord le minéral, ensuite le végétal, puis la femme d’un fermier…
Près de 10 ans avant la version de Richard Stanley, Huan Vu, jeune réalisateur allemand, s'est attelé à l'adaptation cinématographique de La Couleur tombée du ciel, l'une des meilleures nouvelles de Lovecraft. Baignant dans une atmosphère onirique qu’amplifie un noir et blanc angoissant, ce film salué par les adorateurs de l’écrivain constitue une tentative originale, ambitieuse et réussie.
Dans les années 20, un jeune homme interné dans un hôpital psychiatrique demande à son docteur, également mandataire de son oncle archéologue, de brûler tous les documents ayant appartenu à ce dernier. Devant l'hésitation du médecin, le jeune homme raconte alors l'histoire terrifiante qui compose le contenu de ces dossiers maudits, résultats de recherches sur les activités d'un culte lugubre et mystérieux.
Portée par des passionnés de Lovecraft, cette ambitieuse adaptation d’une de ses nouvelles les plus connues, “L’appel de Cthulhu”, repose sur un stratagème pour donner vie au fameux texte : il est filmé et composé à la manière d’un film des années vingt, période à laquelle Lovecraft l’a écrit et publié. Film à l’expressionnisme revendiqué, singeant les techniques du cinéma muet, d'une facture très comparable aux œuvres du canadien Guy Maddin, il est sublimé par une composition musicale qui lui donne toute son assise.
Huan Vu est un réalisateur, auteur et producteur allemand. Il a étudié à la Grande École des Médias de Stuttgart, ville principalement connue pour être l’un des hubs des effets spéciaux de l’industrie internationale du film, et travaille en tant que directeur artistique de vidéos interactives à vocation pédagogique.
Inspiré par des films comme Donnie Darko de Richard Kelly, Annihilation d’Alex Garland, ou encore les films expressionnistes allemand de l’âge d’or, il dit avoir appris qu’on peut créer quelque chose d’envoûtant et de vertigineux juste en le racontant de la bonne manière, sans nécessairement avoir besoin d’un gros budget.
En dehors de son film Die Farbe, il a également réalisé une web série sur Warhammer 40000, Eternal war, le temps de réunir le financement pour un projet plus ambitieux autour des nouvelles de H. P. Lovecraft Les Contrées du Rêve.
Un informaticien travaillant dans l’univers clos de son laboratoire personnel se livre à une longue série d'expériences audio pour tenter d'inverser sa déficience auditive progressive. Alors que ses expériences passent de la théorie à la pratique, il s’enfonce inexorablement dans la folie la plus totale.
Ce film d’horreur expérimental suit l’étouffant voyage de son personnage principal dans sa prison intérieure où l’obsession le dispute à la schizophrénie, et glisse progressivement de la terreur psychologique à la body horror la plus extrême.
Un bébé gémit dans la nuit, seul dans sa poussette. Sa grand-mère l’emmène au fond des bois pour réaliser un mystérieux rituel. Une adolescente, légèrement blessée à la joue, affublée d’une mère un peu absente n’assumant plus de l’élever, disparaît mystérieusement pendant 24 heures, avant de revenir « changée ».
Premier film de Kate Dolan, Samhain est reparti du Festival de Gérardmer avec le Prix du Jury, ex-aequo avec La Abuela. Ces deux œuvres partagent un thème commun, celui de la famille comme point de départ d’une histoire d’horreur, issue du quotidien et de celles et ceux qu’on est censé connaître parfaitement mais qui s’avèrent inquiétants et ouvrent des portes sur l’étrange, l’inconnu. Susan, la seule camarade de classe avec laquelle Charlotte, l’héroïne, va nouer un lien d‘amitié, le dira elle-même : « la famille est la chose la plus terrifiante au monde ».
Dans un des bâtiments des Jardins de Carthage, quartier de Tunis créé pour les notables de l’ancien régime et dont la construction a été brutalement stoppée au début de la révolution de 2010, deux policiers, Fatma et Batal, découvrent un corps calciné. Quand un incident similaire se produit, l'enquête prend un tour déconcertant et les amène à découvrir une vérité qui dépasse les apparences.
Baignant dans une ambiance mystérieuse que renforce une musique atmosphérique, conjuguant film de genre et film politique, Ashkal est un polar mystique où le surnaturel vient bousculer la réalité, renvoyant dos à dos présent et passé, questionnant une société tunisienne en proie à ses démons et aux remous de son histoire, une histoire sombre dans laquelle le feu purificateur occupe une place centrale.
Royan, en 2011. Alors que l’été étire ses jours brûlants, deux jeunes frères, Tony et Noé, jouent au jeu de la mort et du hasard… Jusqu’à l’accident qui changera leur vie à jamais. Dix ans plus tard, désormais jeunes adultes, ils retournent à Royan et croisent à nouveau la route de Cassandre, leur amour d’enfance. Mais, depuis tout ce temps, les deux frères cachent un secret !
Loin de la timidité d’une première œuvre, cette tragédie presque mythologique navigue avec brio entre drame familial et film de genre, et explore avec sensibilité des terrains peu familiers au cinéma français. Film fantastique à la mise en scène élégante, précis dans son découpage et audacieux dans sa mise en images, il entraîne le spectateur dans un récit envoûtant à l’originalité douloureuse, voire vénéneuse. Simon Rieth, le réalisateur, ne cessait d’ailleurs de répéter durant le tournage “C’est un film de vampires”.
A 26 ans, Simon Rieth, ancien étudiant en cinéma à la Sorbonne, a déjà réalisé plusieurs courts métrages sélectionnés et primés dans près d’une quarantaine de festivals en France et à l’international (Feu mes frères, Saint Jean, Sans Amour, Marave Challenge, ...).
Son premier long métrage, Nos Cérémonies, a été présenté en première mondiale comme seul film français en compétition à la Semaine de la critique de Cannes en 2022. Il révèle un jeune réalisateur à la maturité confondante et à la sensibilité à fleur de peau, qui s’inscrit comme un auteur unique dans le paysage cinématographique français.
Un grand-père, le dernier homme sur terre, raconte son existence à son petit-fils qui pourrait être le premier à revenir de l’exil dans l’espace de l’humanité.
Un film de science-fiction atypique qui se regarde comme une œuvre d’art dont l’univers fait de maquettes et peuplé de ”marionnettes humaines” prend forme en un voyage introspectif et philosophique autour de la condition humaine.
Touchant, bouleversant, angoissant, Zeria est un film aux ambitions folles, qui laisse inévitablement quelques cicatrices. Une exploration du temps de l’intime à l'heure du futur, entre Eraserhead de Lynch et Tree of Life de Malick. Entre monstres et divin…
Un homme des plus communs, dont la vie se fait de plus en plus étouffante, décide de signer un contrat d’un an avec un étrange club supposé lui fournir des plaisirs inédits très axés BDSM. Dès lors, des dominatrices font irruption sans prévenir dans sa vie personnelle comme professionnelle, pour lui asséner tortures et humiliations. Lorsque ces maîtresses investissent trop à son goût sa sphère familiale, il tente de mettre fin au contrat. Il va alors vite se rendre compte qu’il va payer ce choix de fort douloureuse manière !
Petit maître en son pays de la comédie grotesque et non-sensique, Hitoshi Matsumoto donne ici à voir comment le poids du carcan de la société japonaise peut faire vriller la vie d’un bon père de famille. Après nous avoir montré, de manière répétitive, les tourments inavouables subis volontairement par ce brave homme, le film va nous emmener de plus en plus loin dans l’absurde et le grotesque jusqu’à en côtoyer des délires dignes d’un dessin animé, plus Chuck Jones que Walt Disney, des plus tarés.
Une douanière à l’apparence étrange repère les voyageurs suspects grâce à son odorat exceptionnel lui permettant de sentir les émotions. Elle est profondément troublée le jour où un homme aussi étrange qu’elle passe la douane. Elle pressent qu’il cache un secret, sans pouvoir le déterminer, et va se rapprocher de lui pour tenter de le découvrir.
Imprévisible et dérangeant, ce conte de fées moderne nous emmène sur un territoire à la frontière du réel et de l’imaginaire et nous oblige à faire face à ce qui dérange – l'étrange, l'étranger, la difformité. Remarquablement servi par ses deux acteurs principaux, le film dispense avec sensibilité poésie et naturalisme, humanité et animalité. Prix Un certain regard à Cannes en 2018.
Imaginez que, condamné par la médecine, vous alliez mourir et que vous ayez la possibilité de vous faire cloner afin d’éviter à vos proches la douleur de votre disparition. C’est ce qui est offert à l’héroïne de cette histoire. Évidemment, tout ne se passera pas comme prévu…
Le thème du double, classique de la littérature et du cinéma, est ici transcendé avec fantaisie, déjouant constamment nos attentes et évitant tous les pièges de ce type d’histoire. Une fable existentielle à l’atmosphère sombre et glacée mais à l’humour grinçant permanent, où plane l’ombre tutélaire de Cronenberg et de Kaurismaki.
© La Boîte Noire 2023